Passer aux informations produits
1 de 1

L'impatiente

L'impatiente

  • Livre Grand Format Grand Format
  • En français Français
Prix habituel 2,69 €
Prix habituel Prix promotionnel 2,69 €
Promo
Taxes incluses. Frais d'expédition calculés à l'étape de paiement.
Expédition sous 24/48h | jour ouvré

Livraison à 2.49€ avec Mondial Relay. Gratuite dès 25 €

Paiement sécurisé
  • American Express
  • Apple Pay
  • Mastercard
  • PayPal
  • Visa

Un achat engagé

  • Soutenez une coopérative à but non lucratif
  • Livre collecté, stocké et traité en France
  • Participer à une économie circulaire
Afficher tous les détails
  • Résumé

    AnesthésiesDu grec aïsthêsis (αισθησις),qui désigne la faculté de percevoir par les sens, combiné à l'alpha (α) privatif. Une anesthésie vise à annihiler notre faculté à percevoir la douleur. Pour cela, il y a des médicaments pour le corps mais aussi des drogues pour l'âme. Sommes-nous tout à fait vivants lorsque nous n'affrontons ni nos maux, ni nos souffrances ? Pourquoi devrions-nous renoncer à nous mesurer à nos vies ?

    1.Le syndrome de la sirèneFlashback, 19 juin 2008, ParisJe suis fan d'Harry Potter.J'ai rencontré le jeune sorcier dans un avion, il y a huit ans.Le ménage du 747 était approximatif : un exemplaire de Harry Potter à l'école des sorciers gisait, oublié sous le siège, parmi un fatras de papiers Carambar et les reliefs de fraises Haribo. Il en est des livres comme des histoires d'amour ; ils nous choisissent plus qu'on ne les élit. Ils se postent en embuscade sous une improbable couverture, nous sautent aux yeux d'abord, à la gorge ensuite, au cœur, enfin – et ne nous quittent plus.Depuis que le cancer rôde sur ma vie, je pense à Lord Voldemort, le mage maléfique qui tente, inlassablement, d'avoir la peau du héros. Dans le roman, Voldemort est « Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom », tant sa simple évocation plonge les personnages dans la terreur.« Finalement le cancer est comme Voldemort : le nommer provoque la panique », plaisantais-je, avec ma mère en pleurs, avant l'opération qui devait me retirer, en urgence, la bête et une partie du sein par la même occasion.Maman n'a pas goûté la comparaison et a redoublé de larmes. C'est étrange. Mes parents, mes amis, errent, l'œil humide, depuis qu'on m'a détecté, du côté du cœur, un « nodule » (même le terme « tumeur » semble arracher les lèvres aux médecins). Ils murmurent, glissent sur la pointe des pieds, comme si le moindre bruit, le plus minuscule éclat de voix, pouvait réveiller une douleur que je ne ressens pas.Moi, ça va. Je n'ai pas peur. Même pas spécialement colère. J'ai compris, à la seconde où j'ai touché, sous la peau fine de mon sein, une boule opaque et ferme, que c'était un cancer. Pourtant, je ne suis pas hypocondriaque. Ne tombe jamais malade. Santé de fer. Capacité de résistance hors du commun forgée par une heure de course à pied quotidienne. Une vitalité que m'envient mes amis.Mais voilà, je savais qu'il allait finir par venir. Oh ! Rien de grave, juste quelques signes, à peine plus ténus qu'un souffle sur la surface d'une vie parfaite. D'abord, le sommeil a commencé à me quitter en douce, comme la mer déserte, à chaque marée, la baie de Somme, laissant exposés des champs de vase mêlée au sable blanc. Les rares bouffées de repos sur lequel mon corps se jette goulûment, après des heures et des heures à tanguer dans le lit, se brisent sur un cauchemar, une angoisse soudaine. Quatre heures du mat', fin d'une nuit qui a commencé à deux. Maigre butin. Autrefois, même par gros temps, je jouissais sans entrave d'un sommeil de bébé. Aujourd'hui, une broutille me tient éveillée des heures durant, un mot dit ou omis, un sourire tendu, un baiser rendu. Un fleuve de peurs, d'angoisses de plus en plus violentes ne me sortent de la torpeur que pour me terrasser, me tordre et me laisser brûlante, pantelante, des heures entières, sur les rivages du sommeil, suppliant intérieurement qu'on en finisse – que je me rendorme ou que je me noie, mais qu'on en finisse.Le matin, mon fils vient se lover contre moi et, invariablement, je re-signe. Pour une journée de bonheur de plus. Une misérable petite journée de bonheur qui pèse pour moi plus que le flot furieux qui, la nuit tombée, me submerge. Chaque matin, éreintée par les ténèbres sans répit, je pense à cette histoire de mon enfance, celle que l'on connaît tous, celle où une sirène devenait femme par amour. La malheureuse payait l'abandon de ses nageoires par des douleurs insupportables, à chacun de ses pas usurpés. Je me rappelle d'ailleurs encore – plus de trente ans en arrière – le ton mélodramatique de ma mère quand elle racontait cette douleur « de milliers de poignards transperçant ses jambes ». Comment finit-elle la petite sirène ? Je ne sais pas. En revanche, pour moi, je sais. Toute cette violence, cette peur de perdre ce que j'aime est si forte qu'elle s'installe, s'enkyste dans mon corps. Elle se met à quitter les terres mouvantes de l'esprit pour exister. Je la sens croître, bercée par les battements de mon cœur inquiet. Et, aujourd'hui, elle a un nom : « cancer ».

    Source : Lattès Jean-Claude
  • Caractéristiques