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La règle du jeu n°1

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  • Résumé

    Pour?>005Il y a dix ans, le 26 mars 1980, mourait Roland Barthes. La Règle du Jeu se devait de rendre hommage à celui qui exerça, sur un grand nombre d'entre nous, une influence intellectuelle majeure. Roland Barthes, pour nous ? Une passion constante pour la littérature, qu'il savait faire partager de façon inégalée ; le refus du face-à-face piégé de la « littérature engagée » et de « l'art pour l'art » ; le refus permanent de tout dogmatisme ; l'art de passer ailleurs dès lors qu'une théorie, un moment défendue, risquait de tomber dans le lieu commun ou le conformisme ;?>ROLAND BARTHES?>l'alliance du savoir et de la sensualité, de l'intelligence et de l'élégance ; tout cela, aujourd'hui encore, plus que jamais, ne cesse de nous concerner. Il ne pouvait s'agir ici, bien sûr, d'une de ces « commémorations » convenues, creuses, pathétiques, dont Barthes lui-même eût détesté le principe. Nous avons préféré associer quelques écrivains qui furent, à des degrés divers, proches de lui, pour lui offrir un hommage « barthésien » dans sa forme, dont Philippe Roger précise la singularité et les enjeux.?>LES ÉCLATS DU SOUVENIR?>006PHILIPPE ROGER
    A Roland Barthes, comment rendre hommage ? A ce mot même d'hommage, plusieurs seront heurtés. Ils y verront trop de pompe ; ils en craindront la componction. Ils pressentiront l'urne ou la stèle : ces « objets forts, fermes, instituteurs du destin », disait Barthes. C'était en introduction a Sade, Fourier, Loyola, dans ces pages admirables qui préludent, au sens musical, au « retour amical du sujet ». Et à cette urne, à cette stèle qu'il se souciait peu d'ériger, indésirables, aux champs de mémoire littéraire, Barthes opposait alors « les éclats du souvenir, l'érosion qui ne laisse de la vie passée que quelques plis ».
    La suite est bien connue, mais la citer ne me lasse pas : « Si j'étais écrivain, et mort, comme j'aimerais que ma vie se réduisît, par les soins d'un biographe amical et désinvolte, à quelques détails, à quelques goûts, à quelques inflexions, disons : des "biographèmes", dont la distinction et la mobilité pourraient voyager hors de tout destin et venir toucher, à la façon des atomes épicuriens, quelque corps futur, promis à la même dispersion... » Curieuse invite : mais il n'est point nécessaire d'en être dupe pour avoir envie d'y répondre.Des biographèmes, donc : quelques traits, gestes et mots, florilège immatériel et gracieux, exact antagoniste du matériau accumulé par l'entreprise biographique. La biographie travaille à la manière des retoucheuses : stoppage (du sujet) et ravaudage (du sens qu'elle veut plein). Les biographèmes seraient plutôt les trous dans le manteau du mendiant hugolien, et par où la lumière de l'âtre devient un champ d'étoiles. « Une vie trouée » : c'est d'ailleurs l'expression, étrange et forte, qui suit le mot « dispersion » dans le passage de Barthes cité plus haut : « Une vie trouée, en somme, comme Proust a su écrire la sienne dans son ?uvre... »
    Ici, maintenant, et bien loin de la cathédrale proustienne, c'est à un autre livre qu'on peut songer. A un petit livre, ancien déjà et secret assez, qui pourrait avoir été écrit (en 1850) selon l'intimation barthésienne : un mince volume intitulé H.B. (pour : Henry Beyle), une plaquette plutôt, consacrée à Stendhal par un « biographe amical et désinvolte » : Prosper Mérimée. Mérimée, lui aussi, refuse la stèle et l'urne. S'il dépose une offrande au Temple de Mémoire, s'il fait ce petit legs respectueux et badin, affectueux et grivois, c'est selon la « topique de l'amitié », comme eût dit Barthes. Car c'est aux amis de l'ami disparu qu'il destine les vingt-cinq exemplaires du tirage. Mémoire vive, mémoire incarnée, passée de corps en corps, au gré nécessaire du clinamen ramenant l'auteur comme « un simple pluriel de "charmes" » ? et sans souci du jugement dernier de la Postérité. Ainsi des « détails » recueillis dans les pages qui suivent.
    Mais quoi ? Ramener aux tyrannies de quelques intimités une ?uvre éprise de distance et un homme qui poussait la hantise du jugement d'autrui jusqu'à se sentir blessé par tout adjectif, fût-il louangeur ? Non pas : nul portrait de Barthes n'est ici tiré. Nulle imago, nulle surimpression ; et surtout, nulle « idée de Barthes ». Une collection plutôt : un recueil d'instants ou d'instantanés, de « retentissements », ou encore d'« anamnèses », c'est selon. Pages arrachées à différents albums, feuillets détachés du keepsake infini où se reconnaîtraient tous les imaginaires mus et émus par Barthes, indistinctement homme et ?uvre... Il me frappe que ces « éclats » ne composent, ni n'imposent une Figure. Et que pourtant, mystérieusement (beaucoup de ceux qui les écrivent ne s'étant jamais rencontrés), leurs lueurs souvent se répondent. Mais ce miroitement, ce n'est pas celui d'un Sujet tel qu'en lui-même retrouvé ; c'est celui d'un mot, d'un rythme, d'un tour grammatical, d'une ponctuation, de tous ces signes et signaux inusités, comme disent les dictionnaires, et pourtant familiers, parce qu'ils réverbèrent, furtivement, quelque chose de sonécriture.« ? Et le Texte, dans tout ça ? » Eh bien ! mais nous y sommes, justement. Par toutes les raisons que l'on vient de dire : pour autant que le « détail », écrit, n'est plus seulement anecdote. Et aussi parce que « pour certains, la vie est textuelle » : ce mot de Roland Barthes sur Philippe Sollers, comment ne pas le lui retourner ? En ce sens, l'évocation qui suit est « fidèle » : elle ne se recommande que de sa convenance (terme oratoire et grammatical, contraire de « disconvenance ») avec celui qui en est l'objet et, peut-être, plus secrètement, le destinataire. Mérimée, encore, attendait de « quelque critique du vingtième siècle » qu'il rendît à Stendhal la justice qu'il n'avait « pas connue auprès de ses contemporains ». Trois personnes suivaient l'enterrement de l'auteur de la Chartreuse, le 23 mars 1842... Il ne s'agit pas ici de « rendre justice » à Barthes, en apparence mieux traité par ses contemporains. (Et seulement en apparence ? Une certaine rumeur « d'imposture » n'a pas fini de bourdonner ; et il n'y a pas si longtemps qu'un éminent critique parisien ? voir Flaubert : « CRITIQUE. Toujours éminent. » ? jugeait convenable de comparer Barthes à Landru...) On l'a dit, il n'est question que d'un hommage : usage bien désuet, pratique bien féodale, mais offrant par là-même les garanties propres à tout geste démodé.
    Rendre hommage d'une chose, nous dit Littré, c'était « la rapporter à celui de qui on l'a reçue ». A Roland Barthes, les textes qui suivent, chacun à sa manière, rendent hommage d'une écriture.?>BIOGRAPHÈMES POUR ROLAND BARTHES?>007PASCAL BRUCKNER :TROP TARD
    Faut-il rencontrer les êtres qu'on admire ? L'on risque d'être déçu ou de voir l'admiration tourner à la servilité, à la ranc?ur. C'est ainsi que l'on rate à vingt ans, par la bêtise propre à cet âge, des écrivains que l'on ne comprend qu'à quarante quand il est trop tard et qu'ils ont disparu. On entrait au séminaire de Barthes comme en religion, pour y recevoir plus qu'un enseignement, la bonne parole, un art de vivre. Impossible de l'écouter sans faire du Barthes, parler comme Barthes, attraper ses tics de langage ; nous n'étions pas des étudiants, mais des perroquets, tout étourdis par leur aptitude à répéter, à reproduire. Oui, le Barthes était contagieux et c'est pourquoi il n'avait pas de disciples, mais une cour ; il exerçait une telle séduction qu'il laissait son empreinte en nous de façon indélébile.
    Il y avait chez lui une courtoisie, une affabilité exquises ; il savait formuler des réserves sans heurter, admettre la contradiction sans rabrouer. A toute une génération écrasée par le carcan de la modernité, il sut proposer le baume d'un discours non dogmatique. Curieux de tout, d'une mobilité extrême, il fut pour nous un extraordinaire creuset de pensée, de passion, un découvreur infatigable. Il a cautionné à la fois les avant-gardes et la chute des avant-gardes.
    Mais Barthes était d'abord un homme blessé ; le brio verbal cachait mal un désarroi et à nous qui étions avides de certitudes, il offrait une fêlure. Son « message » tenait moins à une idée ou à une thè...

    Source : La Règle du Jeu
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