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Le général de l'armée morte

Le général de l'armée morte

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  • Résumé

    Avec Le Général de l'armée morte, son premier roman écrit en 1960, Ismaïl Kadaré, à l'âge de vingt-quatre ans, connut d'emblée une gloire et un succès incontestés. Mieux, depuis que le cinéma s'est emparé de ce livre et que son « général » a pris les traits inoubliables de Marcello Mastroianni, sa célébrité a définitivement franchi les frontières... Reste que Kadaré est profondément albanais. Au-delà de tout réalisme social, esthétique révolutionnaire et pureté idéologique - des mots d'ordre auxquels il obéit apparemment avec une assez grande désinvolture - son oeuvre, et ce roman en particulier, se présentent comme une glorification, une exaltation d'un pays et d'un peuple que l'auteur aime jusque dans ses hantises les plus troublantes et les plus baroques, ses croyances les plus fanatiques et ses moeurs les plus cruelles.
    Le thème et l'atmosphère du Général de l'armée morte s'apparentent-ils au XXe, siècle ou à l'obscur Moyen Age? Deux mondes s'y côtoient et s'y affrontent. Au temps présent des années 60, bien tangible, bien concret, bien rassurant, se juxtapose celui, plus lointain, plus énigmatique, plus flou, plus indéfinissable, des mémoires vives et des traditions, le temps irréel souvent plus vrai que le vrai. On se souvient d'Avril brisé, de cette promenade avec l'amour et la mort, de ce récit de Kadaré qui plongeait déjà le lecteur dans un passé des plus reculés jusqu'au moment où le romancier introduisait la trajectoire d'un avion dans le ciel. On est frappé dans Le Général de l'armée morte par semblable équivoque, comme si pénétrer en Albanie nous plaçait au coeur d'un mystère trouble et vertigineux qui rendait quasiment impossible, ou inutile, toute référence aux calendriers. Voilà ce qui menace le général venu d'Italie en Albanie pour déterrer les morts de l'armée italienne tombés sur le sol albanais après l'offensive du 7 avril 1939, et les restituer à leurs familles.
    Mais on ne voyage pas impunément sur cette « terra incognita » située aux confins de l'Europe, enveloppée de silence, de brumes et de magie, cernée d'un côté par l'Adriatique, de l'autre par une frange montagneuse qui fait d'elle une véritable citadelle. Pour qui prétend s'en emparer, l'Albanie demeure une énigme. Tant pis, ou plutôt tant mieux, si le général italien au cours de cet itinéraire initiatique, va perdre son arrogante assurance, ses certitudes, son rang, sa dignité et même son identité! Pourquoi diable un général, qu'on imaginerait volontiers .à l'abri de tout problème métaphysique, s'est-il fourré dans pareille aventure? Simplement parce qu'il croit à une forme de compassion, de grandeur d'âme, de dévouement, d'honneur, d'amour du prochain... Des mots ronflants passablement hypocrites qui n'ont jamais eu cours sur le sol austère d'Albanie. Aussi, dans des contrées rendues encore plus inhospitalières par la grisaille de l'automne finissant, par le froid, la neige, la boue, les montagnes escarpées et les abîmes sinistres, le général n'est plus en mesure de compter sur ses repères familiers. Pour remplir sa terrible mission, il doit affronter, vingt ans après le drame, la haine silencieuse des Albanais et cette terre gluante aux entrailles sombres comme l'enfer, qui semble vouloir à tout prix retenir les restes pourris des troupes de Mussolini. En perdant ses illusions le général aura au moins entr'aperçu une parcelle de vérité, un fragment d'horreur arraché à l'histoire d'un peuple marqué par les atrocités de l'armée fasciste.
    On trouve ici pour la première fois cette attirance de Kadaré pour le fantastique lyrique toujours ancré dans un réalisme quotidien. Au fond, l'errance d'un homme à travérs l'Albanie, sa liste de morts sous le bras, n'est que le prétexte pour évoquer l'ambiguïté d'un pays. L'entreprise du romancier est double : d'abord, rendre compte de l'étonnante et complexe personnalité des Albanais, de leur violence, de leur sauvagerie, de leur générosité, de leurs traditions élevées au rang d'un culte, et ensuite montrer qu'un « étranger » ne peut rester qu'extérieur à ce monde, sans jamais en pénétrer les codes subtils, ni même en comprendre la nature. « On peul fouiller et s'introduire facilement dans leur sol, mais quant à pénétrer leur âme, ça jamais », confie avec amertume le général au prêtre qui l'accompagne.
    Au moins, grâce à Kadaré, le lecteur pourra-t-il saisir une part de vérité et garder, comme le général, cette impression de sublime admiration et de sublime épouvante en entendant le chant poignant d'un peuple s'élever dans la nuit comme une mélopée funèbre. Il n'est plus question ici d'humanisme mais de pensée sauvage, de quête d'absolu fondée sur une morale ancestrale. Ça n'est pas par hasard si Kadaré lisait Macbeth à l'âge de dix ans. L'esprit de la tragédie anime son pays, et il s'est fait le chantre de cette tragédie. Que ce soit à travers le fanatisme des codes, les luttes incessantes contre les Turcs, les Italiens, les Soviétiques et même les Chinois, Kadaré et l'Albanie ne font que côtoyer le royaume des morts.
    Mais l'oeuvre du romancier ne relève pas seulement de l'ordre épique, historique, ethnologique, politique ou simplement humain, elle débouche sur une forme d'impitoyable acuité philosophique. Kadaré observe, analyse, dissèque, interprète et dresse une fresque rigoureuse de ce monde de cendres et de sang. Mais, philosophe, il sait aussi se faire poète et « enchanter » son récit autant par sa pensée que par l'élégance de son écriture. Il sait enfin tempérer son pessimisme, par une évidente tendresse, une qualité d'humour, d'humour noir, opaque et aérien comme l'ironie la plus désabusée mariée à une constante malice.

    Nicole Chardaire.
    Source : Le Livre de Poche, LGF
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