L'adieu à Kalinka

Le lieutenant-comte Jochen Von Breiden fit deux pas dans la chambre, referma soigneusement la porte derrière lui. Il tendit un petit paquet à la jeune femme, un sourire vainqueur aux lèvres.
— Fraulein, j'ai pensé que ceci vous ferait plaisir ?
Kalinka saisit machinalement le paquet. Il contenait trois plaques de chocolat et un minuscule flacon de parfum qu'elle considéra avec stupéfaction.
— Pourquoi ? balbutia-t-elle.
— Je sais par expérience que toutes les femmes adorent le chocolat et les parfums ! murmura l'officier sans cesser de sourire. Vous êtes vraiment très belle, et...
Tout en parlant il continuait de s'approcher, et elle put lire clairement le désir dans son regard.
La jeune femme se raidit.
— Je comprends ! Vous avez pensé que je me jetterais à votre cou, n'est-ce-pas? Et puis que je m'étendrais sur ce lit en vous tendant les bras ?
Sa voix s'enfla brusquement.
— Mais pour qui nous prenez-vous donc, nous les filles de Russie ?
Elle ouvrit la main et les présents tombèrent sur le sol où elle les écrasa rageusement sous son talon, tout en continuant à le défier du regard.
L'officier était devenu livide.
— Herr leutnant von Breiden, poursuivit Kalinka, vous êtes indigne du nom que vous portez ! Vous êtes un goujat ! Et maintenant, sortez !
Une jeune femme fière, belle et indomptable. Un jeune officier fougueux, méprisant le danger et trop sûr de lui. N'appartient-il pas au « Herrenvolk ? Ce « peuple des Seigneurs » devant lequel tout doit plier? Même les femmes...
Et, pour toile de fond, la plus implacable des guerres.

Source : Gerfaut