La sensitive ou l'innocence coupable

La Sensitive est l'histoire d'une éducation sentimentale, celle d'Odile. Le cadre ? Un Bordeaux à mi-distance entre la Libération et Mai 68. Les protagonistes ? Des étudiants. Ils vivent en bande, parlent, rient, travaillent, s'évadent dans le Bassin d'Arcachon. Entre adolescence et âge adulte, ils rêvent, tout occupés à bourrer de libertés cette parenthèse. La bataille pour la vie n'est pas encore entamée.
Pas entamée? Pour une sensitive, qui fait comme si vivre et foncer étaient synonymes, c'est pourtant dans ce Bordeaux plutôt gai que tout basculera dans le tragique. Avide de comprendre, et malgré l'obsession du grand-amour-toujours, Odile a fait des rencontres qui ont altéré l'absolu de son rêve. Peut-on aimer trois garçons à la fois, fût-ce différemment? Confrontée à la violence passionnée de l'autre sexe - en la personne de Jacques Vielmas -, elle n'entreverra pas la violence du sien.
Odile était lucide; Odile était aveugle. Cette contradiction, plus de vingt ans après, m'a suggéré l'Innocence coupable et ces pages nouvelles qui, regardant de plus loin le gâchis, en atteignent le coeur. « Si je t'aime, prends garde à toi! », chante Carmen. L'innocente sensitive n'a qu'à demi pris garde à elle. Coupable, elle n'a pas assez gardé l'autre. L'adolescence a capoté. Une adolescence qui finit mal a beaucoup de mal à finir.

Source : Le Livre de Poche, LGF