La partie de plaisir

Vingt ans, dure, fragile, dactylo chez Carbonnel, telle est Emilie, étrangère à un Paris dont la moitié est paumée et l'autre moitié, sourde. C'est une fille avide d'aimer - au point d'en oublier de, se faire aimer - qui se retrouve tout à coup isolée pour vivre l'aventure d'un avortement clandestin, spéciale «partie de plaisir ». Dans ce Paris vidé du mois d'août, elle est seule parce que Martin, son amour d'enfance, s'est volatilisé, seule face à la vraie vie dans ses plus rudes aspérités, confrontée aux images de son enfance qui remontent à la surface comme des bulles durant une noyade, éclairant ses rêves, ses ambitions et sans doute cet acte « ultime». Michèle Perrein nous raconte là une histoire suspendue entre le tragique et le quotidien avec beaucoup de dépouillement dans les mots et de tendresse pour toute une catégorie d'êtres dont Emilie veut inconsciemment faire partie, les perdants. Beaucoup d'adhésion aussi pour une image de femme, celle de l'inconnue qui, durant toute la balade au bord de la mort, lui tiendra la tête hors de l'eau avant de disparaître. La Partie de plaisir, c'est le roman d'une petite provinciale, montée à Paris parce qu'elle rêvait de théâtre, et qui, à la lumière des risques que notre société fait prendre aux filles sans argent, grâce aussi à deux rencontres, deux solidarités spon-tanées, aura accompli sa propre révolution. Au terme de ce livre, c'est une autre Emilie qui naît, prête à se battre pour son autonomie - puisque, par chance pure, le loup, au petit matin, ne l'a pas mangée.

Source : Le Livre de Poche, LGF