Un coeur en hiver

Quand une jeune fille à peine majeure s'éprend d'un homme de 55 ans et conclut l'aventure par un mariage, on attend généralement la chute du quinquagénaire qui s'expose à devenir un Arnolphe.
Mais Claude Thibault nous surprend. D'abord par un style dépouillé de toute coquetterie : concis, dépassionné, gainé d'ironie. Il n'y a aucune complaisance, aucune plainte dans ce récit d'une jeune femme manipulée par un intellectuel italien qu'elle admire et qui, peu à peu, lui fait perdre toute liberté, toute initiative, toute personnalité. Ce n'est plus « la femme et le pantin ». C'est l'homme et la femme-pantin.
Depuis Colette, aucune jeune romancière n'avait osé montrer que les vingt ans d'une femme ne sont pas toujours triomphants face à l'homme vieillissant qui la domine. La logique, le conformisme sont bousculés dans cette liaison amoureuse qui étrangle avec dérision le banal conflit des générations.
Premier roman, Un coeur en hiver se présente comme un défi aux modes littéraires et à l'artifice. Ici, la poésie c'est la lucidité. Ici, on ne triche pas.

Source : Le Livre de Poche