Le rail sanglant

Les grandes roues motrices grincèrent désagréablement et Antoine, le vieux mécanicien, comprit, sans avoir à regarder dehors, que le convoi franchissait la frontière.
D'autres frontières resteraient derrière le long convoi chargé de munitions, protégé par des mitrailleuses installées sur les plates-formes.
Une folle randonnée à travers l'Europe humiliée par la botte hitlérienne: deux Français, le mécanicien et Henri, le chauffeur, qui allaient vers un monde hostile et inconnu, une Ukraine où d'autres hommes comme eux préparaient les explosifs sur la voie ferrée.
Devant la vaillante « Mountain «, deux plates-formes roulaient, pleines à craquer de Juifs, qui devaient sauter avant que les charges n'atteignent le convoi.
Les roues tournaient follement sur des rails qui, bientôt, se teindraient de rouge.
LE RAIL SANGLANT
Henri tendit le sac de provisions vers les mains tremblantes des Juifs. Alors, l'homme s'avança, tirant par la main une fillette d'à peine douze ans.
— Donnez-moi ce sac, « mein Herr» ! Et prenez ma petite... je vous jure qu'elle est encore vierge !


Source : Editions du Gerfaut