Café Zambèze

"Un homme se met à décoller du sol. Légèrement. De l'épaisseur d'une feuille de papier. Puis de celle d'un, deux ou trois livres. II n'a plus d'autre souci que de tenter de se mettre en règle avec la pesanteur. Une femme découvre un trou dans son visage. Un vrai trou. Petit, noir. Qui grandit à mesure qu'elle en demande raison à son miroir. II lui faut toutes les ressources du maquillage pour espérer colmater la brèche. Un troisième personnage s'est érigé en "détecteur de fautes". Gare aux éditeurs, aux libraires, à tout ce qui orthographie et décompte. Il se pointera à l'heure pile pour exiger la rectification qu'il n'obtiendra jamais. [...] D'une pichenette, l'auteur place ses personnages en déséquilibre, les regarde se débattre avec le vertige, et y succomber inexorablement. Avec leurs traits appuyés et leurs couleurs vives, ils pourraient être des personnages de cartoon, s'ils ne nous ressemblaient tant, dans nos colères, notre besoin de paraître, d'être exacts ou honorables. Le café Zambèze, où ils échouent, pour y toquer une dernière fois leur chope contre l'absurde, n'est rien d'autre qu'une antichambre pour l'enfer. Et l'enfer, la "répétition exacte" de leur vie."
Jean-Louis Perrier, Le Monde
Source : 10-18