C'est quoi ton prénom ?

Comme Les Pieds de Pierre, C’est quoi ton prénom ? s’inscrit dans les « Histoires à la carte » proposées par Bernard Friot. À partir d’un point de départ commun, le lecteur a le choix entre trois déroulements possibles de l’histoire. Bernard Friot exploite ici toutes les possibilités de cet exercice de style très ludique qui décuple le plaisir de lire.
Alice va bientôt être maman d’une petite fille. Et toute la famille se dispute sur le choix du prénom. Même le père et la mère ne sont pas d’accord. Et quand le bébé naît, il n’a toujours pas de prénom. Première possibilité : devant l’employé de mairie, au moment de déclarer l’enfant, toute la famille se dispute encore. C’est donc l’employé lui-même qui devra trancher et choisir le prénom. Deuxième possibilité : ne parvenant toujours pas à se mettre d’accord, la famille décide de laisser la petite fille choisir, quand elle sera en âge de le faire, le prénom qu’elle préfère parmi les 7 proposés. Troisième possibilité : les membres de la famille négocient un étrange compromis : la petite fille aura chaque jour un prénom différent. Il y aura le jour de la maman, celui du papa, du grand-père, etc.
Le procédé narratif que reprend Bernard Friot n’est certes pas nouveau. L’auteur cite lui-même l’écrivain italien Gianni Rodari, qui a inventé le principe des « histoires à la courte paille » : raconter une histoire et proposer au lecteur trois fins différentes. Mais le résultat, enrichi d’un travail avec des classes, est totalement jubilatoire. Le lecteur peut s’impliquer davantage dans la lecture et tripler son plaisir. Il peut préférer tel ou tel dénouement ou se constituer sa propre histoire en empruntant des éléments de plusieurs versions. Cette histoire de prénom à la carte pousse, jusqu’au délire, une thématique qui est, au départ, très proche du vécu de chacun : qui n’a pas été confronté à cette question du choix du prénom ? En démultipliant sa portée grâce aux trois fins différentes, Bernard Friot dépasse largement le comique de situation. Derrière le choix du prénom, c’est la thématique de l’identité qui est abordée. Derrière chaque prénom, il y a une personne. Cette petite héroïne sans prénom n’est donc en fait qu’un objet, écartelée entre les volontés et les désirs contradictoires des adultes. Comme toujours chez Bernard Friot, qui nous livre là une belle fable sur l’instrumentalisation des enfants, l’humour se teinte donc d’ironie et de saveur douce-amère.

Source : Milan