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Mohammed VI : Le grand malentendu
Mohammed VI : Le grand malentendu
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Français
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Description
1?>Le syndrome du sultan?>Dans son petit bureau vitré du Monde, alors que le quotidien parisien est encore situé en bas de la rue Claude-Bernard, Edwy Plenel, le directeur de la rédaction de l'époque, nous reçoit, Aboubakr Jamaï, alors directeur du Journal, Fadel Iraki, son actionnaire principal, et moi-même en ce jour humide d'octobre 2000. C'est la première fois qu'il nous accueille tous les trois ensemble. D'autres rencontres pour évoquer ce « nouveau Maroc » auront lieu au cours des années suivantes. Depuis que nous l'avons fondé en automne 1997, Le Journal, un hebdomadaire iconoclaste à l'époque, était réputé pour donner chaque semaine des sueurs froides au régime alaouite. Mais le « Printemps marocain » qui l'a vu naître s'est terminé très rapidement sous les giboulées de la censure et des interdictions à répétition. En effet, Le Journal, qui avait déjà été saisi en avril 20001, devait bientôt être définitivement interdit par décret du Premier ministre socialiste Abderrahmane Youssoufi2 pour avoir révélé l'implication de la gauche dans la tentative de régicide contre Hassan II menée par le général Oufkir en 1972 – celui-là même qui est soupçonné d'avoir fait disparaître en 1965, en plein cœur de Paris, Mehdi Ben Barka, le leader marocain de l'Internationale socialiste. Ce n'est qu'après une bataille épique et une mobilisation extraordinaire à l'étranger que Le Journal a pu reparaître sous un nouveau titre : Le Journal hebdomadaire.La discussion avec Plenel se focalise rapidement sur Mohammed VI. Plenel est déçu. Il estime n'avoir pas su prédire l'orage, lui qui comme d'autres journalistes français avait salué l'arrivée sur le trône chérifien d'un jeune roi, courtois et si moderne. « Vous avez été plus pertinents que moi pour comprendre que Hassan II avait initié le changement et que ce n'est pas forcément un acquis avec Mohammed VI », reconnaîtra Plenel. Il raconte qu'il avait même pressé André Azoulay, le conseiller économique de Hassan II demeuré en poste par la grâce de son immense carnet d'adresses, d'être le premier à publier une interview du roi.« N'y pensez pas, Edwy, ce jeune homme est ingénu3 », lui avait répondu le conseiller. Il faut dire que contrairement à Hassan II, pour qui justement cet exercice était un véritable péché mignon, Mohammed VI parle peu aux médias. Il avait accordé en juin 2000 son premier entretien au magazine américain Time4 en marge de sa première visite officielle aux États-Unis. Il avait alors été dépeint sous les traits d'un « roi cool », passionné de grosses cylindrées, de sport et surtout très soucieux de ne pas bousculer les traditions séculaires de sa dynastie. « Mon père avait l'habitude de dire : “Tu auras à prendre des décisions qui ne feront plaisir ni à toi ni aux gens. Mais ce sera pour le bien du pays”5 », affirma-t-il.
Deuxième et fils aîné d'une fratrie de cinq enfants, Sidi Mohammed est né le 21 août 1963. Toute son éducation n'a eu qu'un seul but : le préparer à régner. Un apprentissage souvent douloureux avec un Hassan II qui n'admettait ni écart ni contestation. Il n'a que trois ans lorsque le monarque l'emmène pour la première fois en voyage officiel aux États-Unis, six ans lorsqu'on lui fait lire, à l'occasion d'une cérémonie officielle, son premier discours. Il n'est qu'un enfant lorsqu'il représente son père aux obsèques de Georges Pompidou en 1974, aux côtés de Michel Jobert, sous la nef de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Hassan II surveille personnellement l'instruction de l'héritier du Trône. Son éducation politique et religieuse est réglée comme du papier à musique par une nuée de précepteurs. Une tâche conçue comme un sacerdoce pour l'avenir de la monarchie.Alors qu'il n'a que 22 ans, le 19 septembre 1985, le jeune Sidi Mohammed roule à tombeau ouvert en direction d'un complexe touristique qu'il doit inaugurer. Il est seul au volant de sa Mercedes 190, et il est très en retard. Dans un virage, sa voiture dérape, heurte un pylône électrique et verse dans une ravine. Le prince s'en sort avec une épaule cassée. Certaines sources affirmeront qu'il venait d'apprendre des secrets d'alcôve du Palais et qu'il en était bouleversé. « Chez nous, dans la société marocaine, Freud, nous ne connaissons pas. On manipule ses enfants directement, même si ça fait mal à une jointure. [...] Je voyais vingt années d'éducation, de formation complètement anéanties », dira quelques années plus tard Hassan II au Figaro6 pour commenter l'accident qui avait failli changer le cours de la monarchie. « Expliquez-lui qu'il est le futur roi, qu'il ne s'appartient pas et n'a pas le droit de mettre sa vie en danger », dira Hassan II à Michel Jobert7. Le roi fera alors retirer son permis de conduire à son fils et annoncer par bulletin de presse officiel sa mise en quarantaine. À l'époque, ce traitement sévère interdisait à Mohammed VI de s'exprimer publiquement sur les affaires de l'État, ou sur quoi que ce soit, d'ailleurs. Ses rares discours, assez abscons, étaient rédigés par les collaborateurs du roi, souvent par André Azoulay. Il apprenait son métier en silence, recevait le fouet à chaque incartade, et vivait reclus au Palais8 avec ses quelques condisciples triés sur le volet, ceux-là mêmes qui allaient dès son intronisation constituer l'armature de son cabinet. « Il suffit dans ce domaine que je lui inculque deux choses importantes. Être patriote jusqu'au sacrifice suprême et tenir le coup, quoi qu'il arrive9. » D'après son cousin Moulay Hicham, Hassan II avait obligé le jeune prince héritier alors âgé de 8 ans à assister à l'exécution des officiers putschistes de 1971. C'est ainsi que Hassan II justifiera son rigorisme à l'égard de son fils.
Source : Calmann-Lévy-
Caractéristiques
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Auteur
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Edité par
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Date de sortie2009
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Nb. de pages333
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EAN9782702140109
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